dusty strings (pv tyren)

Du sable à perte de vue. C'était un désert après tout, et la réflexion devenait tout à coup bien idiote. Bien sûr qu'il n'y avait rien d'autre à voir ici, au creux des dunes mouvantes, faites et défaites au gré du vent. Le dernier oasis lui semblait bien loin déjà, et le soleil de fin d'après-midi (quelle heure était-il vraiment?) n'était pas plus clément que celui du zénith.

Que venait faire une créature telle qu'elle dans un lieu aussi aride que celui-ci? La raison l'aurait poussée à ne pas s'aventurer ici à moins d'être bien accompagnée, et sure de son itinéraire. Oh, elle l'avait été, alors qu'un marchand de chevaux s'attelait à harnacher sa monture, lui assurant que ses bêtes étaient habituées aux épreuves offertes par le désert rouge, et elle n'en doutait pas. C'était plutôt elle qui s'était retrouvée bien moins prête qu'elle ne l'aurait cru, et surtout, perdue. Parce qu'autant le dire, toutes les directions semblaient mener au même endroit, et ça n'était pas les quelques formations rocheuses ça et là qui allaient l'aider à s'orienter ; peut-être aurait-elle du engager un guide au lieu de s'élancer dans l'inconnu de la sorte. Ca ne lui ressemblait pas d'ailleurs, ce manque de prudence, cette témérité qui risquait de lui coûter cher si elle ne trouvait pas rapidement son chemin ou un bon samaritain pour l'aider.

Mais il n'y avait rien d'autre que le vent et son souffle raccourcit.

Sans surprise, la chaleur n'était pas vraiment son amie, pas de cette façon du moins ; elle pouvait sentir la sueur coller sa chevelure contre son front et sa nuque, alors que sa gorge se faisait toujours plus asséchée après chaque inspiration. L'idée qu'elle ne s'en sorte pas lui traversa l'esprit brièvement, mais elle préféra ne pas s'y accrocher, refusant de baisser les bras si facilement. Ce qui avait été une excursion pour satisfaire sa curiosité et l'éloigner pour un temps du Colisée et de son drame tournait au vinaigre, et une fois de plus la voilà impuissante. Ainsi que presque déshydratée et de plus en plus anxieuse.

Il ne lui restait alors plus qu'à espérer qu'on la trouve, et que ce ne soit pas avec de mauvaises intentions. Après tout, drapées dans ses voiles céruléens et perchée sur un cheval dont la robe couleur sable se mariait aux alentours, elle n'était pas exactement discrète, et surement pas invisible.

Et la soif, encore, l'obligeait à rationner plus encore ses provisions.

Des choix stupides, elle en avait faits beaucoup au court de sa courte vie — ironique en sachant que les décisions étaient usuellement faites à sa place. Celui-ci cependant, se retrouvait tout au sommet de la liste. Comment avait-elle pu penser un seul instant que son épopée se solderait par une réussite? Perdue dans une mer de sable qui n'était nullement son élément, voilà qui payait le prix de son hubris, semblerait-il.

Et dire que cela n'aurait du être qu'une courte excursion.

Elle ne l'avait pas entendu approcher, les bruits étouffés par le silence étouffant du désert ; autant dire alors que sa présence à ses côtés, soudainement, la surprit, tout autant que son aide impromptue. Muette, autant de par sa gorge asséchée qu'à cause de ce sauveur inattendu, elle le suivit sans un mot — et n'aurait de toute façon pas eu la force de refuser. Ami ou ennemi, elle l'ignorait, mais là où elle n'était qu'une touriste perdue, lui semblait au moins avoir une notion de la direction à prendre pour ne pas être dévoré par les dunes.

Ce ne fut qu'une fois à l'abri qu'elle prit le temps de reprendre ses esprits, le dévisageant sans un mot. Déglutir s'avéra quasi impossible et même douloureux, et la vue de la gourde qu'il lui tendait se fit révélation salvatrice. Une gorgée, puis une autre, avant que sa main ne lui rende son dû. « Merci. » Il y avait de l'embarras dans ses mots, face à celui qui venait de la découvrir dans une situation fort fâcheuse. C'était inconcevable pour une personne telle qu'elle, mais la fierté valait-elle vraiment la peine en cet instant? Après tout, il était quasi certain qu'il ignorait qui elle pouvait être, et son honneur de futur diplomate de la reine était probablement sauf.

Pourtant, la voilà qui se trouvait bien embêtée, se sachant qui plus est incapable de repayer sa générosité. « Je— Je suis chanceuse d'avoir croisé votre route, semblerait-il. » Dans le timbre de sa voix vibrait un accent d'ailleurs, de ceux enfants de la défunte Diana, et encore de ceux ayant fait de l'eau leur domaine. Eau qui ici devait surement être une denrée rare, une vérité qui la frappa désagréablement : elle avait besoin d'un bain.

« Merci, sincèrement. Je ne sais comment vous compenser pour votre aide. » Ce fut avec humilité qu'elle s'inclina légèrement, avant de lui offrir un sourire incertain. Le bout de ses doigts frottaient légèrement la peau sèche de son propre avant bras, les répercussions de trop de temps passé dans un tel climat se faisant cruellement sentir tout à coup. Les quelques écailles visibles d'ailleurs semblaient avoir perdu de leur éclat, alors que ses prunelles rosées se détachaient finalement de son interlocuteur pour venir se perdre sur les alentours. « Sommes-nous loin de la ville? » Question pertinente dont elle craignait la réponse.

La surprise était pour ainsi dire mutuelle : elle-même peinait encore à croire qu'elle n'avait pas rendu son dernier souffle au coeur du désert. Et si tout ça n'était qu'un mirage, les dernières errances d'un esprit privé petit-à-petit de sa lucidité?
Si la question subsista quelques instants, le contact impromptu de sa main contre son poignet fini de la convaincre qu'elle n'était pas en plein délire. Un réconfort trouvé dans de bien étranges circonstances et de quoi la laisser suffisamment songeuse pour qu'elle ne tente pas de se défaire du contact alors établit.

L'idée d'être littéralement rôtie lui donnait froid dans le dos, et ne faisait qu'un peu plus appuyer l'idiotie de son entreprise — depuis quand était-elle aussi téméraire? Cela ne lui ressemblait pas, vraiment. Et peut-être fallait-il mettre cela sur le dos des récents événements, ces derniers l'ayant pour le moins chamboulée. Sauf qu'ajouter une autre mort au compteur, quand bien même la sienne ne serait que peu d'importance, ne semblait pas pertinent. D'autant qu'elle avait beau fuir son chez elle, mourir n'était définitivement pas dans ses plans immédiats.

« Très bonne observation. » Ca avait été soufflé avec un léger sourire, un semblant de rire dans la voix ; rien de moqueur cependant, et ce même si son apparence au peuple aquatique était établie sans le moindre mal. Était-elle la première à croiser son chemin, puis qu'il semblait le déduire aussi facilement ? Après tout, les membres de son peuple ne devaient pas être foule ici, dans un environnement tout sauf propices à leur nature.

Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas tout à fait saisie ce qu'il faisait, pas avant que le contact étonnamment frais de la crème ne la fasse frémir. Sourcils légèrement arqués, ses prunelles papillonnèrent entre sa main et le visage du jeune homme — que de prévenance ! « Je vais finir par croire que ce n'est pas la première fois que vous faites cela. Vous semblez bien préparé. » Accrochée à son protocole rigide et ses bonnes manières sans exceptions, elle préférait continuer de le vouvoyer, autant par respect que par habitude. « Il semblerait que nous n'en ayons pas le choix, en effet. » Un soupire fila.

Son air avait finir par se faire quelque peu pensif, alors que son regard se perdait dans le vague à nouveau. Un autre soupire avait fini par s'échapper de ses lèvres alors qu'elle se redressait quelque peu, retirant par la même occasion le châle qui recouvrait sa chevelure bleutée — quelques mèches légèrement ondulées en profitant pour s'échapper de sa coiffure jusque là bien arrangée. « Nerissa. Enchantée de faire votre connaissance, Tyren. » Elle était probablement trop formelle, mais c'était sa façon à elle de se rassurer dans un environnement qui n'était pas le sien, de quoi avoir l'impression qu'elle retrouvait doucement le contrôle, sans que ce soir pour autant réellement le cas. Enfin, si ses paroles avaient de cette rigidité propre aux diplomates, le sourire qu'elle affichait était d'une sincérité quelque peu touchante, alors que la lueur animant ses prunelles roses était des plus reconnaissante.

Un instant encore passa, avant qu'elle ne décide de doucement se relever, vacillant brièvement avant de retrouver son équilibre. « Occupons-nous de ce camps, dans ce cas. Et je tiens à offrir mon aide — dites moi simplement ce que je peux faire. » Elle n'aimait pas être servie, pas plus que de regarder les autres se plier en quatre pour elle. D'autant que si elle avait été prise au dépourvu, elle avait malgré tout emporté certaines choses qui pouvaient s'avérer utiles, suspendues à la selle de sa monture.

« Vous venez d'ici, n'est-ce pas? » Son aisance parmi les dunes était après tout impossible à manquer.