[PNJ] Dancing with the dead ; pv

Les jours suivant la disparition de Diana furent difficiles pour tout le monde, mais tout particulièrement pour elle. Si elle parvenait sans trop de mal à maîtriser son don, ce n'était plus le cas depuis quelques jours. C'était comme si des ondes radios lui traversaient sans relâche le cerveau en grillant chaque partie de son être qui n'était pas encore fatigué. Elle ressentait tantôt de la tristesse, tantôt du désarroi, tantôt une lourde perte et aussi une grande incompréhension. Elle avait assisté aux funérailles de loin, perchée au sommet de sa tour, le regard fixé sur la forêt où Diana serait enterrée : ensevelie sous le plus grand et le plus ancien des arbres de la slyve dense. Elle avait beaucoup pleuré : pleuré des larmes qui lui appartenait et, par le fait même, des larmes qui venaient d'ailleurs.

Puis, le calme était retombé, la vie suivait son cours et son père avait recommencé à traverser de long en large les murs de la Citadelle à la recherche d'une occupation, de quelque chose qui lui permettrait sans doute d'avoir la tête vidée de toute pensée pour sa défunte soeur. Mia était donc restée seule chez elle, bercée par le vent glacial d'un automne précoce et frigorifiée, par le fait même. C'était une journée comme toutes les autres : trahissant à peine l'ennui qu'elle ressentait à observer sans relâche ce morne paysage. Une envie irrépressible de s'enfuir lui pris aux entrailles, la forçant à faire le mur une fois de plus, filant hors des murs du château à la recherche de quelque chose. Quelque chose ou bien quelqu'un.
Mia se baladait sur les murailles, un endroit qu'elle connaissait bien puisqu'elle avait l'habitude de toujours errer en hauteur, d'avoir les yeux portés vers le ciel et le mont Alcyone. Elle était là lorsqu'elle entendit ce hurlement à glacer le sang provenant du lointain. Paniquée, elle se mit à courir, ses pieds nus frappant la pierre avec une certaine maladresse : elle glissait sur la roche, tenant sa robe à hauteur de ses chevilles pour ne pas marcher dessus, le visage frappé d'une expression très inquiète. Elle ne s'arrêta brusquement que lorsqu'elle vit ce jeune homme qui semblait souffrir le martyr.
Non, il n'était pas question de semblant, d'une impression. Dès l'instant où elle fut à deux mètres de lui alors elle sentit son coeur se renverser et son crâne se resserrer dans un étau : la douleur lui transperça les yeux comme des lames acérées et provoqua chez elle un terrible haut-le-coeur.

Bien sûr, elle le connaissait.
Ils appartenaient à la même lignée, partageaient les mêmes pouvoirs divins, la même vérité au fond d'eux, mais jamais avait-elle osée lui adresser la parole auparavant. Il avait tellement de colère en lui, une haine froide, glaciale tel un étang gelé en plein hiver et son aura entière était si puissante, si terrifiante, que Mia eut l'impression qu'un monstre s'échappait du corps d'Artemis, prêt à mordre et à dépecer quiconque croiserait sa route fortuitement. Avec une immense difficulté, Mia se fraya un passage jusqu'au chevalier, se laissant tomber à genou devant lui. Elle tendit ses mains légères et les déposa sur le visage d'Artemis, transférant son empathie en lui avec douceur. Une fine lumière s'échappa de ses doigts, caressant la peau du jeune homme, pénétrant jusqu'à sa chair et s'imposant en lui dans le but de l’apaiser, de le réconforter, de lui apporter la paix ou mieux un sommeil dépourvu de chagrin, d'affliction et de rage.

Ce n'était pas son rôle d'être là, devant lui, et d'oser s’immiscer dans ses pensées, dans ses plus profonds regrets, dans les horreurs de son passé et dans la souffrance que lui rappelaient les nombreuses choses immondes qu'il avait commises. Mia ne jugeait ni ne prétendait comprendre, se contentant de déplacer une grande marge de son énergie vers lui, cherchant à apaiser son âme et à lui donner la chance de passer à travers de cette brûlure vive qui semblait être en train de le consumer de l'intérieur.

Elle eut un sursaut quand il vint poser ses mains contre les siennes, l'observant tandis qu'il semblait émerger de ce combat intérieur. Il prononça son prénom d'un murmure et son ton ne perdit pas de sa douceur quand il lui fit, tout simplement, remarquer qu'elle ne devrait pas être là. Elle paraissait toujours troublée, l'observant avec une forme de fascination, incapable de prononcer le moindre mot. Puis, les langues de lumière qui caressaient auparavant Artemis diminuèrent avant de disparaître et, lentement, Mia délia ses doigts.

Il avait les traits fatigués et paraissait toujours avoir effectué un combat ardu malgré le fait qu'il n'ait pas du tout bougé de là. Le vent soufflait particulièrement fort à cette hauteur, mais malgré l'air glacial, Mia remarqua que le visage d'Artemis était couvert de sueur. Elle avait l'impression de se voir lorsqu'elle se réveillait d'un horrible cauchemar. À la différence qu'elle pouvait compter sur son frère ou son père pour la rassurer. Lui, il était là, seul contre un fantôme venu le hanter, se mesurer à lui sans préparation et rechercher à ouvrir une faille. Mia avait vu des choses dans ces bribes d'émotions ; parfois, les ressentis d'une personne étaient si puissants qu'ils devenaient des images. Elle eut un frémissement en se rappelant ce rire cruel, apathique, et cette odeur de putréfaction, de mort. « Je t'ai entendu hurler. Je ne pouvais pas te laisser comme ça ... » Elle paraissait toujours inquiète, mais tenta tout de même de se lever, n'y parvenant pas au point de retomber sur le sol, étonnée de son propre manque de stabilité.

Puis, abdiquant, elle demeura installée sur le sol et se contenta de lui dire : « Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais c'était vraiment horrible. C'est la première fois que ça t'arrives ? » Mia avala lentement sa salive, les yeux toujours posés sur lui. « J'ai eu l'impression qu'Hadès voulait te déchiqueter de l'intérieur ... » Comme un serpent envenime fatalement sa proie en y enfonçant les crocs encore et encore jusqu'à ce qu'elle crève.

Était-elle prête à mettre sa vie en jeu pour aider une personne en détresse ? Bien sûr que oui. Il était tout à fait le genre de la jeune femme de penser que les êtres humains étaient dignes de son attention et surtout de sa compassion. Elle avait une pureté d'âme en elle qui ne semblait provenir que d'elle : un bourgeon qui avait fleurit et qui décrivait à la perfection l'être étrange qu'elle était. Peut-être, en quelque sorte, était-elle devenue l'incarnation de la noblesse : une caractéristique qui se reliait très bien à la bravoure, cette qualité que son père valorisait tant.

Artemis fit preuve de galanterie en lui venant en aide pour qu'elle puisse tenir debout. Les bras chargés d'elle, il en profita pour soutenir son regard et confirmer les craintes qui étaient en dormance en son être. Mia exprima quelque peu de la surprise de l'entendre parler de la sorte avant de détourner le regard, visiblement perdue dans ses pensées. Puis, tout naturellement, elle déclara : « Tu ne peux pas lui rendre ce service ... »
Pour tout dire, elle savait qu'il avait songé s'ôter la vie, sans doute parce que son père tirait les ficelles en lui lors de sa tentative de possession, et Mia espérait que cela ne se reproduise plus. Mais qui était-elle pour connaître l'avenir ? La jeune femme s'appuya un peu plus contre lui en conservant les yeux fixés sur lui de façon assez sereine, cette fois-ci.

« J'ai beaucoup étudié les dieux. Hadès se nourrit de la peur, du désarroi, de la souffrance et de la mélancolie. » Autrement dit, il avait sans doute percé une brèche et profité de l'humeur maussade de son fils pour s'en prendre sournoisement à lui. Elle ne cherchait pas à lui faire la morale, mais plutôt à le conseiller du peu qu'elle pouvait lui servir à quelque chose dans les circonstances. Le vent devait souffler particulièrement fort puisque Mia fut persuadé d'entendre le muret s'effriter par endroits. Cela la poussa, d'ailleurs, à lâcher son appui sur Artemis pour poser ses bras contre le muret afin de regarder en bas.

Mia fut tout de même impressionnée par le calme dont il savait faire preuve lorsqu'il lui assura qu'il ne se laisserait pas berner une seconde fois par son géniteur. Il exprima son avis sur la question d'Hadès et de ses jeux pervers. Puis, le grognement attira leur attention à tous les deux, poussant Mia à lâcher un cri de stupeur, son corps poussé vers l'arrière par le bras d'Artemis. Elle comprit immédiatement que quelque chose n'allait pas et c'est seulement lorsqu'elle eut levé la tête qu'elle vit cette créature immense et ses trois têtes dont les yeux était fixés sur eux avec la même violence.

Le chien se posa d'un bond étrangement léger sur les murailles avant de foncer vers eux dans le but de les attaquer. Mia sursauta lorsque le chevalier s'adressa de nouveau à elle afin de lui donner des indications. Elle ouvrit de grands yeux quand il lui ordonna de courir et, bien entendu, finit par s'exécuter en se dirigeant à toute vitesse loin de la bestiole dont le grondement digne du tonnerre ne s'estompait définitivement pas.

Mia s'arrêta de courir, bêtement, parce qu'elle était curieuse de voir ce que Artemis allait faire. Lorsqu'il trancha l'une des têtes avec une telle aisance la jeune femme fut bouche-bée. Étais-ce possible d'arriver à faire une prouesse semblable ? On lui avait parlé des exploits réalisés par ce jeune garde prometteur, mais jamais n'avait-elle eu l'honneur de le voir à l'oeuvre. Fouillant dans l'une des poches de sa robe, Mia en extirpa un petit flacon composé d'un liquide couleur de miel et se mordit la lèvre.

Elle ne pouvait peut-être pas l'aider,
mais elle pouvait veiller sur lui à sa façon.
Elle resserra sa prise sur le petit flacon et leva la tête afin d'observer la créature qui semblait souffrir de sa décapitation, secouant ses têtes et crachant des gerbes de sang qui giclèrent même jusqu'à elle. L'odeur était si forte qu'elle en eut à nouveau un haut-le-coeur, posant une main contre sa bouche et son nez afin d'en bloquer l'odeur. « ATTRAPES ÇA ! » lança-t-elle quand elle jugea qu'Artemis était en assez bonne posture pour qu'elle ne le mette pas plus en danger qu'il ne l'était déjà. Elle lui jeta le flacon en espérant qu'il l'attrape et qu'il le garde quelque part sous le coude si jamais il se prenait un coup et avait besoin de guérir une blessure rapidement.

Mia n'avait pas prévu que le cerbère verrait le moindre intéret à s'en prendre à elle. Bien sûr, elle savait être une proie facile, mais la jeune femme était persuadée que cette créature n'était pas là par hasard. Toutefois, bien qu'elle soit de nature naïve, elle comprit assez vite quelles étaient les réelles motivations de la créature. Celle-ci fonçait vers elle malgré la tentative avortée d'Artemis, prête à bondir et à prendre le chemin qui menait à la demeure d'Erwan.

Même si elle était frêle, même si sa santé était toujours un sujet d'inquiétude pour ses pairs, même si elle rêvait de pouvoir un jour se battre et prouver sa valeur, Mia savait très bien qu'elle n'était qu'un fardeau pour ceux qui avaient le malheur de la côtoyer. Malgré tout, elle eut le réflexe intelligent de se jeter à plat ventre, évitant ainsi que le cerbère ne l'attaque puisqu'il courrait trop vite. Elle évita de peu de se faire piétiner, les mains sur la tête, et quand elle redressa son corps pour jeter un oeil derrière elle alors elle vit le cerbère dépourvu de sa troisième tête se diriger à vive allure vers le domaine.

« Non ! » lâcha-t-elle d'un mécontentement qu'elle peinait à dissimuler. Elle se redressa en titubant et tourna la tête vers Artemis toujours debout contre le muret. « S'il atteint les remparts il va tout détruire ... » lâcha-t-elle en paraissant complètement terrifiée à l'idée que sa maison finisse en champ de ruines. Mia eut alors la plus bête des idées : elle avala lentement sa salive, sachant qu'elle risquait gros en abusant ainsi de son don, mais c'était le seul moyen pour faciliter la tâche d'Artemis. Elle tendit ses deux mains devant elle et ferma les yeux. Aussitôt, il y eut un coup de fouet dans l'air et son corps entier fut entouré d'un halo de lumière. Aussitôt, le vent sembla souffler en direction du cerbère qui, frappé par une main invisible, se mit à paniquer et à grogner encore plus fort, secouant ses têtes et sautant sur place comme si des monstres invisibles s'en prenaient à lui. Elle venait de manipuler les sentiments de la créature de sorte à lui faire perdre la tête, croire qu'elle était attaquée de toutes parts.

Artemis aurait ainsi le champ libre pour lui donner le coup de grâce.
Du moins, l'espérait-elle fortement.

Cette chaleur réconfortante imprégna ses os et lui donna une douce sensation de courage. Elle avait l'impression de pouvoir tout affronter entourée de ce halo particulier. La sollicitude d'Artemis créa chez Mia une admiration qui se liait très bien à ce qu'elle ressentait chaque fois qu'elle constatait à quel point il était doué. Elle voyait souvent son frère à l'oeuvre, explosant tout sur son passage, se laissant emporter par ses désirs les plus profonds, bercé par une bonne dose de hargne. Avec Artemis, toutefois, le spectacle était très différent. Elle ne le quittait pas des yeux alors qu'il glissait sous l'animal dans le but de le transpercer de sa lame.

Ce fut une tactique payante : la créature lâcha une plainte de douleur et s'affaissa tellement sous le choc qu'Artemis eut à peine le temps de s'en échapper avant que le cerbère ne tombe sur la muraille dans un bruit qui fit trembler les pierres pourtant solides de la forteresse. Mia sembla un instant s'inquiéter de ne pas voir le chevalier surgir des décombres. La poussière s'était soulevée d'un coup quand le monstre s'était effondré. Malheureusement, avant même que la jeune femme n'eut le réflexe d'étirer le cou, le chien à trois têtes se releva péniblement, fou de rage.

Mia su que c'était le moment de se servir à nouveau de ses capacités. Cette fois-ci, elle se contenta de tenter de calmer les ardeurs de la créature, d’apaiser sa colère, mais elle n'y parvint pas. Son énergie n'était pas suffisante et elle comprit qu'elle devrait laisser Artemis se charger du reste pour le moment. Mia se mordit l'intérieur de la joue d'un air clairement boudeur. Elle ne lui servait strictement à rien. Pour au moins éviter d'être blessée elle se dissimula derrière un gros rocher, jetant de temps à autres un coup d'oeil à la scène, le coeur qui battait très fort à cause de l'adrénaline. Le cerbère se dirigeait toujours vers le domaine. Il y avait même mit les pattes et Mia constata avec horreur qu'il venait de percuter l'une des tours du château qui s'effondra dans un amas de pierres et de débris. La jeune femme posa ses mains sur sa bouche pour étouffer un cri d'horreur, totalement sous le choc.

Mia observait toujours de loin le combat qui battait son plein. Le choc de voir sa maison retranchée d'une tour ne mit pas beaucoup de temps à s'estomper : des choses bien plus importantes se passaient juste sous ses yeux. Elle se sentait toujours réconfortée par le halo qui l'entourait, mais elle aurait largement préféré pouvoir l'épauler dans ce combat. Il se défendait bien, ne se laissant que très peu déstabiliser par la force vitale intrigante du cerbère. Le chien à trois têtes cracha des flammes d'une chaleur tout à fait imprévisible, mais Artemis ne broncha pas, se servant de ses mystérieux pouvoirs pour faire naître des piques rocheux qui vinrent empaler la tête de l'un des chiens. Le cri de douleur qu'il lâcha juste après poussa Mia à poser ses mains contre ses oreilles tant il était puissant.

Puis, elle reporta son attention sur la créature qui, dotée d'une seule et unique tête désormais, tentait de croquer le chevalier d'un bon coup de gueule. L'idée de le dévorer semblait être une façon désespérée de reprendre l'avantage du combat, mais Mia voyait plutôt là quelque chose d'aussi pathétique que désolant. Elle se redressa et tendit les paumes à nouveau en cherchant à envoyer une nouvelle salve d'émotions vers le chien. Elle voulait qu'il s'endorme, elle voulait laisser le champ libre à Artemis pour l'achever une bonne fois pour toutes.

Mia comprit qu'Artemis allait faire quelque chose de très risqué dès l'instant où elle remarqua ces signes tout à fait étranges qui commençaient à apparaître sur sa peau comme un amas de tatouages et de symboles mystiques. Elle reconnu quelques runes qu'elle avait pu découvrir dans les nombreux volumes poussiéreux qu'elle était bien la seule à avoir envie de lire. Comme le cerbère était toujours plongé dans un sommeil profond alors la jeune femme profita de ce moment de calme pour foncer rejoindre Artemis. Elle eut un mouvement de recul, toutefois, une fois à sa hauteur : ce cercle aux reflets rouges était inquiétant et dégageait un sentiment qui faisait naître en Mia une panique profonde et indescriptible. Elle avait l'impression de faire une crise de panique : de la difficulté à respirer et le sentiment que son coeur allait imploser.

Toutefois, en faisant quelques pas vers l'arrière, elle remarqua que cette impression s'estompait déjà. Tournant la tête vers Artemis, elle réalisa qu'il ne se rendait pas tout à fait compte que ces flammes dévastatrices créaient sur lui des égratignures sans doute provoquées par la toute puissance de cette énergie démoniaque. Mia s'approcha de son comparse, curieuse et à la fois effrayée, pour tout simplement lui transférer un peu de son énergie. Bientôt, le cercle devint plus large, plus écarlate encore et le halo encerclant Mia diminua jusqu'à totalement disparaître. Elle tomba à genoux, vidée de toute son énergie, et tourna vivement la tête vers la créature.

Elle était presque sûre que l'air était en train de plier sous la force de ce pouvoir étrange. L'air était en train de plier ... littéralement ... Ce spectacle était aussi fascinant qu'éprouvant à regarder. Pourvu que son énergie permette à Artemis de renvoyer ce monstre d'où il provenait.