Un pardon pour avancer ; PV

Ce fut un voyage sommes toute silencieux. Ryan et lui ne parlèrent que rarement durant le trajet. Ce n'était pas par bouderie de la part du garde en Chef, mais plutôt par concentration. Le but de ce voyage était de rejoindre le château d'Erwan afin d'y faire ses excuses, de demander pardon puisqu'il avait agit comme le dernier des cons et ce n'était pas le moment d'arriver là-bas sans avoir un discours, une façon de faire. Il était impossible, qu'après ce qu'il ait fait, qu'il se pointe en disant simplement "je suis désolé". Non.

Artemis savait que cela prendrait beaucoup plus que ça et qu'il n'avait pas le droit de prendre les choses à la légère. Alors ce fut là, la raison du silence prolongé et retenu. Même si par moment, il disait quelques phrases et prononçait quelques mots, il savait que Ryan comprendrait ce besoin de silence.
L'énorme château ce dessinait devant eut et Artemis sentit sa bouche devenir sèche et cette nervosité qui renaissait en lui.
Il y avait longtemps qu'il ne s'était pas sentit aussi... Nerveux. Ce sentiment ne lui manquait pas et il maudissait son père pour avoir détruit cette carapace qu'il avait construit avec les années et la présence de ses -très peu- amis.

Une fois devant les grandes portes, les gardes s'échangèrent un regard et avant même qu'Artemis ne daigne dire quelque chose, celle-ci s'ouvrirent. Le garde royal tourna la tête vers Ryan avec un certain questionnement dans le regard et ordonna à son cheval d'avancer de nouveau. Visiblement, quelqu'un attendait sa visite et ce, depuis un moment surement puisque l'un des majordomes s'approcha d'un air solennelle.

- Messieurs Artemis, veuillez me suivre je vous pris.

Artemis descendit de son mustang et tourna la tête vers Ryan en semblant chercher du courage, puis, il se mit en route en suivant les pas du majordome. Le château avait quelque chose de chaleureux et les portrait sur les murs étaient assez ... Disons qu'il était facile de reconnaître la famille qui vivait entre ses murs depuis des générations.
Il s'attendait à visiter la salle du trône, mais après avoir monter quelques dizaines et dizaines de marche, ils s'arrêtèrent devant deux grandes portes blanche et c'est là qu'il comprit.

Mia l'attendait depuis un moment et elle l'avait convoqué dans sa chambre, ce qui le rendit d'autant plus nerveux et mal à l'aise. Il regarda l'homme de main qui lui fit signe de pénétré dans la chambre et le garde s'exécuta en s'arrêtant finalement dans la pièce immense, qu'il observait attentivement...

Elle n'était pas présente...

Certes, il s'était passé beaucoup de choses depuis la mort de sa tante, depuis la visite du cerbère et depuis que ce fameux garde royal s'en était pris à elle. Mia avait vite été prise sous l'aile bienveillante de l'un des employés de sa famille. Puis, emmenée dans ses appartements, elle avait reçu la visite enflammée de son frère. Bien qu'il soit des plus évidents que Mia avait risqué sa vie pour combattre ce chien à trois têtes, elle évita de parler de ce qui s'était passé entre elle et Artemis de peur que Deimos s'en prenne à lui. Elle considérait que c'était à elle d'affronter cette situation et personne d'autre : hors de question de se cacher derrière son père ou son frère et de jouer les demoiselles en détresse. On attendait d'elle qu'elle agisse comme la princesse malade qu'elle était : pourtant, Mia aspirait à bien d'autres choses.

On la prévint de l'arrivée de deux gardes royaux qui arrivaient de l'est à cheval. Les descriptions des deux cavaliers suffirent à convaincre la jeune femme qu'il s'agissait bel et bien d'Artemis et de son camarade de toujours. Tout de suite envahie par la nervosité, elle traîna son corps fin vers la salle de bain afin de se rafraîchir et enfila une robe qui ne donnait pas, à l'instar de ce qu'elle portait juste avant, l'impression qu'elle avait passé la journée au lit. Elle noua les lacets qui liaient son corsage et rangea les mains dans les poches de son jupon, observant le décor brumeux par la fenêtre. Il s'agissait d'une belle journée.

Elle comptait attendre là quand elle entendit un bruit provenant de sous son bureau. Attirée par ce vacarme, elle réalisa que son chaton Zeus était coincé sous ce même meuble ━ Mia se retrouva donc agenouillée au sol, rampant sous sa chaise en se débattant pour réussir à attraper le corps remuant du petit félin. Il fallu que ce soit le moment que ses gardes choisirent pour faire entrer Artemis dans la grande chambre digne d'un palais. Mia se frappa la tête contre la chaise, lâchant une plainte de douleur, et se recula finalement pour mieux se lever, le chaton noir dans les bras, essoufflée et ses jolis cheveux à la teinte verdâtre ébouriffés. « Oh, bonjour Artemis. » fit-elle, sa timidité habituelle prenant très vite le dessus. Zeus ne semblait pas apprécier d'être coincé de la sorte et se débattit jusqu'à ce que sa maîtresse le laisse filer. Un peu plus loin, elle entendit la femme de chambre lâcher un cri de surprise et Mia daigna enfin réagir à la présence de son invité.

« Ton ami t'as rendu ton badge ? » demanda-t-elle, se tenant les mains en ayant le regard un peu fuyant, la tête se tournant résolument vers le paysage par la fenêtre quand elle en avait l'occasion.

Il était debout dans la pièce, observant celle-ci en cherchant signe de vie. Signe qu'il trouva quelques secondes plus tard lorsqu'une personne se cogna un membre contre un meuble. Son regard se tourna alors vers le bureau et ce n'est qu'à cette instant qu'il remarqua la présence de Mia. Elle était elle-même, souriante et un peu timide. Elle ne semblait pas réellement en gêne face à lui, mais il pouvait sentir qu'elle évitait son regard.

Le chaton décida de prendre la fuite en passant entre ses jambes. Il tourna la tête en le suivant du regard un instant, puis reporta celui-ci vers Mia par la suite. Elle observait toujours la fenêtre et une pointe d'agacement le submergea. L'idée même qu'elle le déteste ou l'évite maintenant, ne lui donnait certes pas envie de reprendre son badge. Alors il décida tout simplement d'être honnête avec elle.

« Oui. » Répondit-il lentement, avec un respect profond et sincère pour la princesse, mais il poursuivit. « Mais je refuse de redevenir le chef de la garde royal. » Admit-il finalement en retirant la ceinture qu'il portait à sa taille et qui soutenait son katana et ses quelques armes en surplus.

« Je n'ai plus aucun droit d'en être, pas après ce que je vous ai fait. »

Ce serait mentir que de supposer qu'elle savait de quoi il était venu lui parler ━ tant de choses s'étaient passées entre le moment où elle avait eu cette peur au fond du ventre et la situation actuelle où elle se tenait devant lui. Elle avait eu le temps de réfléchir, de passer une nuit blanche à fixer le plafond de sa chambre, persuadée qu'il y avait autre chose qui justifiait tout cela qu'une quelconque forme de sauvagerie.

Malgré les diverses visualisations de ce moment qu'elle avait eu l'occasion de tourner et retourner dans son esprit, la jeune femme devait bien admettre que ce n'était vraiment pas ce qu'elle avait imaginé. Il était en train de rendre les armes, déclarant que le poste de chef ne lui revenait pas et qu'il n'avait plus le droit de porter ce titre après la façon dont il l'avait traitée. Mia l'observa un instant avec un certain choc au visage et, lentement, se détourna complètement de lui pour s'approcher de la fenêtre.

Elle scruta l'horizon un bref instant, les mains posées sur le rebord de pierre, et finit par déclarer : « Il y a une chose que je voudrais savoir ... » Elle s'humecta les lèvres et son expression était somme toute assez déterminée lorsqu'elle se retourna à nouveau dans le but de lui faire face. « Qu'est-ce qui te rend heureux ? » demanda-t-elle de façon beaucoup plus douce que son expression ne le laissait supposer de prime abord.

Artemis s'arrêta dans son mouvement lorsqu'elle prit parole en disant vouloir savoir quelque chose. Elle était dans son droit, elle avait le droit de vouloir savoir ou connaitre les raisons ou d'autres sujets. Il n'était qu'un serviteur comme ce majordome. Un garde qui obéissait à des ordres, alors il l'écouta.
Durant un moment, il attendit de connaitre la question et sembla surprit lorsque celle-ci tomba. Qu'est-ce qui le rend heureux?

Cette question le troubla, presque autant que de voir le Cerbère face à lui, devant ce château. Artemis en demeura un long moment silencieux avant de finalement ouvrir la bouche, le regard de nouveau rivé sur elle, d'ailleurs puisqu'elle le regardait, il y plongea le regard.

« Il y a longtemps que le sentiment de bonheur, de joie ou d'être heureux ne m'est pas traverser le corps et le coeur, Mia. » Il avait dit cela avec beaucoup de sincérité.

« Je ne crois pas être en mesure de reconnaitre le bonheur, même s'il me traversait le corps. »

Honnêtement, la dernière fois qu'il avait éprouvé du bonheur, fut au lit avec son ex-femme, mais comme il y avait des années maintenant que tout ceci était terminé, plus rien n'avait eut d'importance. Il était bien avec ses amis, bien avec son rôle de garde royal et les combats le libérait, mais le sentiment d'être heureux...
Ce sentiment était mort avec tout le reste.

« Je suis désolé si ma réponse n'est pas à la hauteur de vos attentes. »

Contrairement à ce que l'on aurait pu penser, Mia n'exprima aucune surprise, aucun malaise à l'entendre déclarer qu'il ne savait pas ce que c'était d'être heureux ━ que ce sentiment l'avait quitté depuis bien longtemps. Malgré tous les efforts que les gens pouvaient faire autour de lui, il était seul dans ce combat incessant contre ses propres démons. À la fin, lorsqu'il lui demanda pardon pour le côté indigne de sa réponse, la jeune femme se contenta de hocher la tête de gauche à droite. Puis, elle fit quelques pas vers lui, s'arrêtant afin qu'il y ait au moins un mètre entre-eux.

« Non, tu n'as pas à t'excuser. » Elle l'observa un instant et lui répondit avec une sincérité tout à fait directe : « Je me sens exactement comme toi. » Elle arbora un bref sourire qui n'avait rien de particulièrement joyeux et se dirigea finalement vers le pied de son lit. Elle s'y installa délicatement, tâtonnant le drap qui le couvrait sans vraiment que cela ait la moindre utilité. Bien que ce malaise entre-eux était palpable, elle se sentit le besoin d'être totalement honnête envers lui.

« Le jour où le cerbère nous a attaqué. Je me suis sentie plus vivante qu'en dix-huit années de vie. Je ne me souviens presque pas de ma mère et, bien que j'adore mon frère et mon père, je ne crois plus que leur amour me suffit. J'ai toujours ressenti un grand vide en moi. Et je t'ai vu affronter cette créature ... pour la première fois de ma vie ... je me suis sentie comblée. » Elle leva la main et, maladroitement, posa l'index contre l'une des larmes qui s'était mise à rouler sur sa joue.

« Bien que ce que tu as essayé de me faire m'a fait souffrir, j'ai réalisé que ce n'est pas le geste en lui-même qui m'a terrifiée. » Elle baissa la tête, glissant une mèche de cheveux derrière son oreille. « Je me suis sentie blessée parce que ... j'ai cru que peut-être cet homme que j'admirais s'intéressais à moi et m'appréciais. Et quand tu t'en es pris à moi j'ai compris ... que je n'avais aucune valeur à tes yeux. » Elle leva la tête, le regardant les yeux couverts de larmes, et esquissa un faible sourire d'excuse. « Je te demande pardon ... je t'ai fais sentir comme un moins que rien ... alors que c'est ma faute. »

Elle essuya ses larmes du revers de sa main et se contenta d'approcher de lui. Elle lui saisit les mains et lui dit avec sincérité : « N'abandonne pas ton grade. Tu n'as plus à t'en vouloir. Je suis contente de t'avoir rencontrée et je ne veux pas que tu sois encore plus malheureux à cause de moi alors ... » Elle lui relâcha doucement les mains. « Saches que je ne t'en ai jamais voulu. Et que je vais bien. »

Du moins, aussi bien qu'on pouvait l'être quand on était un oiseau en cage dont on a coupé les ailes et qui ne pourra jamais, jamais s'envoler.
Terrée dans la solitude, j'ai cherché la vérité, mais elle n'existait pas.

Une révélation qui le troubla au fond de lui. Elle, princesse du courage, fille d'Erwan et soeur de Deimos, avait le même sentiment profond que le bonheur n'était pas pour elle? C'était une surprise à laquelle Artemis ne s'était pas attendu. Il croyait que la belle avait une vie de rêve, mais les souvenirs du combat contre le cerbère lui revint en tête et les efforts et ce courage dont elle avait fait preuve, devenait beaucoup plus clair à son esprit maintenant qu'elle lui avait admit cela.

Elle cherchait une raison d'être, cette pulsion au coeur qui nous donnait cette envie de vivre et une raison d'être présent afin de fouler la terre d'Elwood. Au final, Mia le comprenait beaucoup mieux que quiconque dans tout le royaume et c'était là, toute l'ironie de l'histoire. Et cette ironie ne cessa pas. La vérité tomba encore plus violemment qu'il ne l'aurait cru, si bien qu'une gifle aurait été plus apprécié. Il la regarda avec une expression de surprise, de stupeur, d'incertitude. Elle venait de lui admettre qu'elle avait été comblée, puis blessée par l'homme qu'elle admirait.

Artemis ressentit cette envie de vomir quand elle poursuivit en disant qu'elle avait comprit qu'elle n'avait aucune valeur à ses yeux, ce qui le dégoutta énormément de lui-même. Comment ? Mais surtout pourquoi en était-elle venue à cette décision ? Le garde serra les poings fortement alors qu'elle s'approchait de lui, lui prenant les mains afin de lui demander pardon.
Elle lui demandait pardon alors qu'elle n'avait rien fait... Ce n'était qu'un malentendu si puissant.

Elle s'en voulait, sans être coupable. Elle pleurait, sans avoir de raison de le faire, mais en réalité, pleurait-elle pour elle ou pour lui ? Artemis ne détourna pas son regard et lorsqu'elle lui relâcha les mains en prononçant de nouveau ses mots et en semblant totalement enfermer dans une cage invicible, le garde laissa tomber sa ceinture qu'il tenait de l'autre main et lui saisit le menton en venant lui prendre délicatement les lèvres dans un baiser chaste et beaucoup plus tendre que la dernière fois.

Elle avait les lèvres si douce, avec un goût sucré et salé suite aux larmes, mais qu'est-ce qu'il s'en foutait. Ce geste n'était pas impulsif et sauvage comme le premier. Il était calculé et désiré, il était ... Tout ce qu'il pouvait être de sincère en lui. Elle croyait n'être rien à ses yeux, mais cette nuit là. Il s'en était voulu justement parce qu'au contraire, elle comptait trop pour subir un tel afront.
Il gardait ses lèvres contre les siennes, puis les relâcha par la suite en cherchant son souffle. Le corps tremblant.

« Mia, ce n'est pas parce que tu n'as aucune valeur à mes yeux... C'est justement parce que tu en as trop, que cette nuit là, je n'ai pas su retenir cette pulsion sauvage... Et je m'en veux, que tu ais cru... le contraire. » Dit-il en la regardant droit dans les yeux, lui soutenant toujours le menton de son index alors qu'il effaçait une larme qui roulait contre la joue et près de son pouce.

« Pardonne moi. »

Peut-être y avait-il une part d'elle qui recherchait une sensation de bonheur même dans les endroits les plus sombres ? Peut-être était-elle simplement naïve ? À force de lire des contes de fées l'on fini irrémédiablement par y croire. Lorsqu'il saisit son visage, posa ses lèvres contre les siennes, elle ne pu retenir ce gémissement de surprise, ce soubresaut dans tout le corps. Elle l'observa ensuite sans vraiment comprendre, l'écoutant lui dire qu'il avait eu peur parce qu'il l'appréciait, et il s'excusait à son tour. Elle le regarda, les yeux légèrement écarquillés, et se contenta ensuite de se mordre la lèvre inférieure, baissant la tête.

Son coeur battait si vite qu'elle avait l'impression qu'il allait sortir de sa poitrine afin de s'envoler. Le monde entier pouvait bien s'écrouler en cet instant, plus rien n'avait réellement d'importance. Elle était terrifiée, ébranlée, et pourtant une seule chose lui traversait l'esprit. Elle avait l'impression que tout cela n'était qu'un rêve duquel elle allait se réveiller, seule aux abords de son lit, observant l'horizon comme chaque matin sans vraiment savoir ce qui l'attendait. Un monde entier s'étalant devant elle sans qu'elle n'y ait accès. Elle ne connaissait rien ni personne et elle n'avait jamais voyagé. Elle n'était qu'une belle ignorante, une jolie poupée qui passe de main en main sans vraiment susciter les moindres passions.

« Je ... » débuta-t-elle, incapable de formuler une phrase cohérente, les bras ballants le long du corps. Quand il vint effacer une larme sur sa joue, elle eut l'impression d'être légère comme une plume, et son visage se tordit en une expression qui dévoilait aisément qu'elle ravalait ses larmes. Elle piétina un peu le sol, impatiente, mécontente de son manque de talent pour exprimer ce qu'elle ressentait et ce qu'elle voulait. Enfin, elle le regarda à nouveau, se parant d'un air beaucoup plus direct et honnête.
« Je ne veux plus être seule. »
Elle n'avait plus envie de chercher un sens à sa vie. Elle n'avait plus envie d'admirer de loin la liberté qu'elle ne pourrait jamais atteindre. « Est-ce que tu crois qu'un jour ... tu pourras m'aimer comme tu l'as aimée elle ? »
Oui, elle connaissait cette histoire de par l'intermédiaire de son père. Oui, Mia était capable d'attendre. Elle était capable de porter ce poids sur ses épaules.

« Je veux être là pour toi... quand tu auras besoin de moi. Je ne suis qu'une gamine, une princesse qui vit dans une tour et qui lit des bouquins. Je ne te sers pas à grand chose, mais ... » Elle eut un sourire gêné, regardant sa chambre sans vraiment la voir, timide et maladroite dans ses propos. « J'aimerais pouvoir t'aider à ma manière ... et peut-être qu'ensemble ... on pourrait apprendre à chasser la solitude ... un pas à la fois ? » Qu'est-ce que cela signifiait exactement ? Elle ne le savait pas. Mia recherchait simplement un moyen de ne pas relâcher sa prise sur la main d'Artemis, d'arriver à garder le contact malgré les embûches. Ce qu'il lui avait fait l'avait beaucoup blessée, mais des blessures cicatrisent et parfois même disparaissent avec le temps. N'est-ce pas ?

Ce n'était pas un baiser que l'on offrait pour faire taire une personne ou simplement parce que l'on avait pitié de cette âme face à nous. Artemis n'embrasserait jamais une personne sans avoir de réels raisons ou sentiment. Il l'avait fait une première fois suite à une pulsion de colère et de haine. Une sauvagerie qui dévoilait ses véritables sentiments dans un tourbillon malsaine d'acte non calculé, mais cette fois c'était autre chose. Une raison beaucoup plus sincère et prévu. En fait, non pas vraiment. Il n'avait pas cru être en mesure de mériter le coeur de cette princesse, mais lorsqu'elle avoua être déçue de ne pas compter pour lui, elle ouvrit cette possibilité.

Une fois le baiser rompu, il la regarda avec attention, gardant son corps contre le sien, même lorsqu'elle sautilla sur place en retenant ses larmes qui perlaient au coin de ses yeux. Elle était magnifique, fragile et déterminée à la fois. Une douceur qui nous prenait le coeur et l'écrasait dans une bonne prise. Elle débuta une phrase qui vint mourir dans le silence qui suivit, mais Artemis demeura patient et attentif à ce qu'elle cherchait à lui faire savoir.

Et cette fois la franchir traversa la barrière de ses lèvres et il comprit la volonté de celle-ci. Elle ne désirait plus être seule, chose qu'il comprenait parfaitement. Il ressentait cette solitude au plus profond de son âme, une douleur qu'il tentait de taire, mais qui refaisait constamment surface. C'était souffrant, mais sa détermination était encore plus présent que tout le reste et il sembla surprit par la suite des paroles. Est-ce qu'il en serait capable ? Pour lui c'était l'évidence même, mais pour une jeune fille comme elle, découvrant surement le sentiment pour la première fois, une crainte pouvait être présent et fort possible.

« Non. » Dit-il lentement et avec une sincérité troublante. « Je t'aime plus que je ne l'ai aimé, elle. »

Certes, Rika avait fait de lui l'homme qu'il n'était pas. Elle avait été en mesure de le changer et de lui faire voir que les hommes n'étaient pas des bêtes à abattre, mais des âmes ayant des sentiments et des raisons d'être. Elle lui avait fait découvrir le monde que son père méprisait et dépeignait fortement comme mauvais et sans espoir. Rika lui avait ouvert les yeux sur les beautés des hommes et femmes, c'était surement le plus beau des cadeaux, mais leur amour n'avait jamais franchit une autre étape, il s'était éteint rapidement par la suite et il avait fait le choix de ne plus ressentir quoi que ce soit pour une femme, jusqu'à cette rencontre avec Erwan et sa fille.

Mia avait cette douceur en elle, cette beauté innocente qui lui donnait des bourdonnements dans l'estomac, comme des chocs d’électricité statique. C'était curieux et à chaque fois qu'ils se croisaient, ce sentiment ne disparaissait pas. C'est à ce moment qu'il comprit une chose, Mia avait ce pouvoir de le faire revenir à lui et de lui être destiné.

« Si je t'embrasse aujourd'hui, ce n'est pas pour attendre des années avant de t'avoir près de moi. C'est parce que je juge qu'il est temps de te faire ma demande et de t'avoir à mes côtés pour le reste de ma vie. » Admit-il en lui replaçant une mèche verte derrière l'oreille dans un geste tendre et lent.

Il plongea son regard dans le sien en étant toujours aussi sincère et sérieux. Ce n'était ni un ordre, ni une demande bête et jeter en l'air, il était terriblement sérieux en ce moment. Elle parla de nouveau et Artemis l'écouta en comprenant très bien ce qu'elle désirait lui faire saisir, ce qui le poussa à sourire, lui caressant de nouveau les joues avec ses pouces.

« L'aide que tu désires m'apporter, tu le fais déjà et sans t'en rendre compte. Et je crois que ma solitude, n'est plus présente depuis que tu es dans mes bras. Alors, si tu le veux bien, Mia. J'aimerais que tu m'autorises à parler à ton père afin que je puisse lui demander de t'emmener avec moi. »

Il fallait bien admettre qu'il était charmant : son visage était magnifique, ses yeux noirs pouvant exprimer une telle froideur lui donnant plutôt une impression de confort. Elle ne laissa aucune distance entre-eux, trop admirative de la façon posée dont il prononçait chaque mot. L'homme qui lui avait apporté cette sensation de sécurité était encore là devant elle, prêt à lui proposer de l'accompagner dans ses nombreux périples et conscient de la fragilité de son coeur. Bien qu'elle soit ouverte à la possibilité d'être importante à ses yeux, jamais n'aurait-elle cru endosser le rôle de moitié. Artemis se sentit le besoin de lui confirmer que ce baiser n'était pas futile, que malgré sa douceur volatile, un sentiment avait fleurit derrière tout ça. Elle n'en croyait pas ses oreilles : il lui confia qu'il aimerait qu'elle passe le reste de sa vie à ses côtés et jugea bon d'ajouter qu'elle l'aidait déjà de bien des manières sans même se rendre compte.

« Je me sens un peu idiote ... » admit-elle, timide d'avouer une telle chose devant lui qui ne semblait souffrir d'aucune maladresse, d'aucune crainte. « Je ne pensais pas que l'amour était aussi inattendu, aussi imprévu. » Pour elle, l'amour s'apparentait au destin et reliait des gens pratiquement depuis leur naissance jusqu'à leur mort. Sans doute espérait-elle qu'elle trouverait l'homme de sa vie, mais jamais elle n'aurait pensé le trouver d'une manière aussi particulière. Elle posa ses paumes contre le torse du chevalier tandis que celui-ci lui demandait la permission de parler à son père afin de lui proposer d'emporter Mia avec lui.
Certes, la crainte qui lui tirailla l'estomac à cet instant fut réelle et, bien qu'elle soit surexcitée à l'idée de s'imaginer explorer le monde, elle savait aussi qu'Erwan tenait à elle comme à la prunelle de ses yeux et que, en partie pour cette raison, il ne serait pas forcément en accord avec l'idée. Deimos, quant à lui, refuserait catégoriquement de mettre sa soeur en danger pour une amourette qu'il jugerait sans doute d'une fausseté sans pareil ━ malgré tout le bon sens dont elle savait faire preuve, toutefois, Mia n'arrivait pas à s'ôter de la tête cette impression que tout était possible.

« D'accord, je t'y autorise ... » répondit-elle finalement, le regardant un bref instant avant de tendre la main pour la poser contre la joue du jeune homme. Elle examina ses traits avec tendresse et se hissa à nouveau pour venir poser sur ses lèvres un chaste baiser. Mia songea qu'il était d'une beauté extraordinaire ... Une chance inouïe qu'elle avait de pouvoir se tenir dans ses bras et de contempler ses traits à sa guise. Enfin, elle tourna la tête vers la fenêtre, perdue dans une réflexion dont elle ne fit état qu'après un moment de silence : « Père devrait bientôt revenir de voyage. Je pense qu'il devrait arriver dans deux jours, environ. »
Elle reporta son attention sur lui, légèrement inquiète.
« As-tu des obligations ? Je veux dire ... je comprendrais si jamais tu n'as pas le temps d'attendre. Je peux toujours attendre que tu reviennes. »
Mia mesurait difficilement l'ampleur des responsabilités d'Artemis et ne voulait pas être un poids pour lui au risque de paraître indécise. Bien sûr qu'elle voulait partir, mais pas en détruisant tout ce que le jeune homme avait mit des années à construire.

Artemis comprenait le sens des paroles de Mia. Lorsqu'il était tombé face à face avec Rika, il n'aurait jamais cru que l'amour lui prendrait le coeur de la sorte et encore aujourd'hui, l'amour lui jouait un sale tour en le faisant tomber pour une fille aussi douce et merveilleuse, mais également une Princesse. Ironie de la vie.
Erwan connaissait son sang, il savait de qui il était et ce qu'était Artemis, mais est-ce que cela serait assez pour le dieu du courage? Est-ce que celui-ci accepterait ? Est-ce que seulement, Artemis méritait le bonheur aux yeux des autres dieux ou la mort, puisqu'il était, après tout, le fils de celui-ci.

Certes, le garde n'avait aucunement peur de Deimos, le frère de Mia. Ce qui l'inquiétait c'était le paternel de celle-ci. Il y avait des chances qu'il n'accepte pas, mais à la citadelle, il y avait la Déesse Nevaeh, tante de la belle Mia et ainsi donc, une chance pour que l'homme accepte et puis, l'un n'était pas loin de l'autre. Dans tous les cas, c'était des détails qui lui traversait l'esprit également.
Il s'attendait d'ailleurs à ce qu'elle refuse en disant que ce n'était surement pas une bonne idée et il était en train de faire son deuil, lorsque la réponse fut totalement contraire à ce qu'il pensait.

Avec surprise, il la regarda droit dans les yeux et acquiesça. Ainsi donc, il parlerait avec le dieu du courage et chercherait à faire de son mieux pour que l'homme accepte cette demande. Évidemment, il commençait à croire qu'il aurait mieux fait d'en parler avec la déesse de la sagesse, celle-ci aurait pu lui offrir son aide, mais bon.
Elle lui offrit un nouveau baiser et il l'accepta avec plaisir, glissant les mains contre les hanches de celle-ci.

L'information à propos du père, ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd et Artemis fronça les sourcils, pensif un moment.

« Pour l'instant, je n'ai pas de mission ou de responsabilité. Nevaeh attend toujours ma réponse et une autre personne occupe mon poste le temps que ma décision soit prise. Je peux donc rester ici avec toi. »

Par contre, pour ce qui était de Ryan, il ne pouvait pas savoir, mais il lui poserait la question dès qu'il sortirait de la chambre de Mia. Il l'observa un moment.

« Mia, j'ai une question. » Débuta le jeune homme avec un sérieux qu'on lui connaissait bien. « Est-ce que tu es prête à vivre avec le fils du dieu de la mort? »

Mia hocha la tête afin de lui faire savoir qu'elle était compréhensive face aux choses qu'il avait à régler. De plus, elle n'espérait pas beaucoup d'optimisme de la part de tout ceux qui seraient mis au courant de leur toute nouvelle relation ━ les gens avaient tendance à juger sur les apparences, sur les titres de noblesse et sur les familles plutôt que sur les actes. Elle devait prendre en considération tout cela et songer que, peut-être, Erwan lui-même ne verrait pas cette relation d'un bon oeil. À l'instant, toutefois, où elle considéra l'idée qu'il dise non, son coeur lui donna l'impression d'être réduit en miettes. Elle se mordit la langue, baissa la tête et chercha à garder contenance. C'est seulement à cet instant qu'Artemis lui demanda si elle était prête à vivre auprès de l'héritier de la mort.

C'était une question à laquelle elle s'attendait : si son propre fardeau était d'être une petite fleur malade, celui que portait Artemis sur ses épaules était son héritage familial. Mia savait de quoi le jeune homme était capable lorsque son père venait le tourmenter : elle avait perçu sa colère, sa cruauté et son besoin criant de faire souffrir comme il souffrait lui-même. Il avait crée chez elle un sentiment de frayeur qu'aujourd'hui elle savait n'avoir rien à voir avec cet assaut physique ━ bien qu'elle ne cautionnait en rien ce genre d'action.

« Oui ... » répondit-elle avec calme, franchise et une bonne dose de détermination. Elle soutint son regard et ajouta, posément, les mains jointes ensemble : « Je n'ai pas peur de la vérité. Je n'ai pas peur d'être blessée ou de me retrouver en danger. Parce que je sais que, quoi qu'il arrive, tu finiras toujours par revenir ... » Elle eut un fin sourire et se retourna en concluant d'un ton léger, murmuré rien qu'à lui : « Je t'aime suffisamment pour te pardonner ... et je t'aimerai encore même si notre relation est un risque ... parce que plus rien ne m'effraie si je sais que tu es à mes côtés. » Elle en semblait convaincue alors qu'elle s'assit sur l'un des fauteuils éparpillés dans sa chambre. Elle saisit une petite clochette qu'elle fit sonner : aussitôt, une femme de chambre arriva par la porte de la chambre, lui demandant ce qu'elle pouvait bien faire pour elle. « Raccompagnez Artemis et montrez-lui où se trouve son ami. S'ils décident de rester au château je veux que vous lui offriez la chambre d'amis. Je prends la responsabilité de les héberger et de les nourrir tous les deux. Ils sont ici comme chez eux alors traitez-les comme tels, est-ce bien clair ? » Elle avait quelque chose d'altier dans la façon dont elle s'exprimait, mais aussi dans le calme effarant dont elle faisait preuve, résolue à bien donner ses instructions et à se faire comprendre. « Mais madame, nous devons habituellement demander la permission de Seigneur Erwan avant de ... » L'expression sur le visage de la princesse suffit à convaincre l'employée de se taire. Toutefois, bien qu'elle paraisse un peu froide au premier abord, Mia afficha bientôt une expression assez compatissante. « Ne vous inquiétez pas Rosa. Je prends la responsabilité de cette décision. Vous ne craignez absolument rien ... » La dénommée Rosa s'inclina, visiblement touchée de la sollicitude de Mia, et fila dans le couloir pour attendre qu'Artemis et elle aient terminé leur entretient.

Mia reporta alors son attention sur le garde royal.
« Je dois aller à l'infirmerie ... Mes examens quotidiens à passer ... » Elle soupira légèrement. « S'il y a quoi que ce soit ou si tu as besoin de me transmettre un message n'hésite pas à demander à l'un des employés. Il saura où me trouver ... d'accord ? » Elle eut un pâle sourire, un peu inquiète de ce que son médecin aurait à lui dire, et se redressa finalement en prenant sa veste en laine qu'elle enfila doucement. Elle le guida jusqu'à la porte, s'arrêta dans son encadrement et leva la tête pour le regarder une dernière fois. Elle vint lui effleurer la mâchoire du bout des doigts, soutenant son regard, et ne le relâcha que lorsqu'elle décida de sortir afin de se diriger au bout du couloir. La voilà de retour dans son monde d'ordres et de règles ...

Il attendait la réponse, sans avoir d'appréhension. C'était comme s'il avait confiance en elle et que peu importe la réponse, elle serait honnête envers lui. Artemis ne fut pas déçu puisqu'elle répondit avec ce calme qu'il lui connaissait peu, mais qui l'impressionnait. Mia savait se faire entendre et savait très bien comment faire en sorte que ses sentiments soit ressentit. Elle lui disait que oui, et qu'elle aurait confiance en lui, qu'elle savait qu'il reviendrait toujours. Cette réponse le toucha et lui fit beaucoup de bien alors qu'il ne la quittait pas des yeux en s'inclinant faiblement.

« Maintenant que je sais ce qu'il en est de nous deux, tu n'as plus à t'en faire. Je serais aussi solide que les murailles qui entoure ton château. »

Il la regarda de nouveau et lorsqu'elle agita cette clochette, Artemis tourna la tête en regardant cette femme qui entrait afin de recevoir des ordres précis et directe de la jeune princesse. Ce sérieux dont elle faisait encore preuve, lui fit comprendre que Mia était déjà prête pour être une reine. Il l'écouta et observa les réactions de la femme, pour finalement retourner son attention sur sa belle.
Il acquiesça en faisant comprendre qu'il avait comprit, si jamais il avait besoin de quoi que ce soit, il irai voir les employés. Cependant, son attention fut toujours vers elle, elle semblait inquiète et il fronça les sourcils.

La maladie de Mia avait quelque chose d'étrange et instinctivement, il eut envie d'en savoir plus, ainsi donc il se promis de faire quelques recherches sur le sujet. Elle le salua à sa façon, douce et tendre avant de prendre le chemin de l'infirmerie. Artemis l'observa un moment avant de prendre le chemin inverse et de suivre Rosa vers ses quartiers et Ryan par le fait même.

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