Seule [Libre pour une personne]

J’ai fermé pour la dernière fois les yeux sur mon endroit. Tourné dos à la tombe de ma seule famille. Et je suis partie. Aussi simplement que ça.

Le sentiment de la rivière m’entourant, les effluves marines quand je remontais à la surface, la terre connue sous mes pieds. Tout s’est mêlé en moi, sensation mourante alors que mon cœur se déchirait. Pour la fuir j’ai nagé et marché durant des jours et des jours, ne regardant jamais en arrière. Jamais plus. Et avant que je ne me rende compte, j’avais franchis la limite.

Alors j’ai affronté l’inconnu.

J’aurais seulement souhaité qu’il soit moins chaud.

« Toujours vers le nord, je rejoins la citée des autres dieux, petite princesse » me disait grand-père quand je lui demandais où il allait. Longtemps je l’ai imaginé sur le chemin, traversant montagne, fleuve, océan et forêt. Oh, c’était un doux rêve d’enfant, car la réalité, elle, est brûlante. Elle m’attaque à chacun de mes pas, me vole mon souffle et m’écrase, au soleil comme à l’ombre. Même le sol me hait, chaque souffle de vent lui est une excuse pour se jeter sur moi, pénétrer ma bouche, mon nez, mes yeux, m’étouffer de sa hargne sulfureuse.

Oh je ne manquerais pas de vivre, j’en ai pris suffisamment. Juste d’eau.

Ma peau est déjà sèche, mes gourdes sont vides depuis longtemps et pourtant nul trace de rivière ou de lac. Quel étrange pays est-ce cet endroit, un pays sans vie, un pays de mort. Je ne peux pas me retourner, alors j’avance, mais pour combien de temps encore ? Le sol est rouge, comme ma peau, comme le ciel quand je lève la tête. Je me sens faiblir, ma vision se trouble.

Suis-je si faible ?

La réponse est cruelle mais évidente. Une vie d’ignorance, un instant d’orgueil pris pour une braise de volonté et ma vie va s’éteindre ainsi, avant d’avoir pu accomplir quoi que ce soit, avant d’avoir même compris pourquoi je dois vivre cela. Grand-père je suis désolée. J’ai été sotte et maintenant je suis seule, seule, seule.

Et le monde cesse d’exister pour moi. Seul les ténèbres restent, m’engloutissent dans un enfer d’obscurité.

Rouge sur rouge.

Le voyage dans le désert rouge est toujours impardonnable pour ceux qui ne ce son pas préparé au voyage. Cependant, pour ceux aussi qui n'ont pas du tout l'habitude d'y aller et encore moins d'avoir les bons gestes pour ne pas ce fatigué inutilement. Ou bien attrapé une insolation par exemple. Ce qui était le cas du jeune homme que Keran regardait. Se laissant secouer de tous les côtés au rythme des pas du dromadaire qui le transporte. Le convoi de nomades avaient pris quelques passagers étrangers. Ces derniers souhaitant pouvoir traverser avec le plus de sécurité possible. La solidarité à dû bon pour ce genre de voyageur. Bien que cette solidarité possède un prix.

Marchant à pied, comme beaucoup d'autres homme du convoi. Keran fit signe à l'un de ses collègues de garde qu'il allait faire un tour un peu plus loin du convoi. Montant sur l'une des dunes le plus proches afin de voir plus loin l'horizon. La main au-dessus de ses yeux pour ne pas être aveuglé par la lumière. Chacun agissait un peu comme il voulait de manière séparé, mais tout le monde communiquait entre eux afin de savoir où chacun se trouve à tout moment. Et après un regard au loin, il retourna un instant au convoi, parlant aux autres avant de repartir au pas de course de courses avec une gourde et un linge qu'on lui avait mouillé au préalable. Un autre guerrier l'accompagnant. Restant à distance de Keran au cas où il est besoin de lui et le convoi pour surveiller son avancée.

Keran pour sa part arriva rapidement auprès de la silhouette allongé sur le sable. De loin, il n'avait pas été sûr de ce qu'il a vu, doutant un peu même. Cependant, il ne c'était pas trompé. Il se retrouva accroupi auprès d'une femme rouge inconsciente. Il la retourna sur le dos avant de vérifier son pouls et si elle respirait encore. Ce qui était encore le cas, elle avait de la chance. Il commença par lui mettre le linge humide sur le haut de la tête. Oubliant son apparence particulière pour le moment. Keran tenta de faire couler quelques gouttes d'eau de la gourde sur les lèvres de la personne. Près à recommencer l'opération si besoin. Espérant que sa l'aiderait à reprendre conscience et que son réflexe sera de s'humecter les lèvres. La secouant légèrement ensuite.

Sensation de fraîcheur.

Le retour à la conscience est brutal. J’ouvre les yeux, suffoque à cause du sable dans ma gorge et m’agite, tente de me défaire de cet inconnu, bête, humain, je sais ne sais pas, mais la peur me tiraille, m’engloutit toute entière.

« !! »

Ma main heurte quelque chose, la repousse et ce geste s’accompagne d’une sensation humide sur mon visage. De la bave ? Est-ce une bête qui m’a trouvé ? Je tente de me relever, de prendre ma distance tout en empoignant mon trident. Mais à peine debout que le monde se met à tourner, enfonçant des aiguilles de douleur dans mon crâne.

Je titube, je n'ai que le temps de voir un linge tomber au sol que je le rejoins, m’affalant tête la première dans le sable rouge et brûlant. Autant pour le fait de se défendre, je ne tiens même pas debout. Je puise dans mes dernières forces et lève mon visage en direction de la chose. Ma vue est trouble, mais je distingue un contour humanoïde. Qui est-ce ?

« … »

Je me sens trop faible, déjà les ténèbres reviennent, mon destin est entre les mains de cet autre être.

Résumé:

La gourde manqua d'échapper totalement des mains de Keran. Tentant de la rattraper tant bien que mal afin de ne pas laisser l'eau se déverser dans le sable du désert. Remarquant du coin de l'œil la personne tenter de s'enfuir. Enfin, normalement... Après avoir pris soin de reboucher la gourde, il regarda cette inconnue faire un pas. C'est déjà pas mal qu'elle est réussi à se lever, mais Keran soupçonne d'avantage la peur de l'y avoir poussé. Il poussa un léger soupir et ramasser le tissu qu'il tenta d'épousseter vainement.

"Ce n'est pas vraiment raisonnable de tenter d'échapper à son sauveur, tu sais ?"

Il parlait, tout en sachant pertinemment qu'elle ne devait déjà plus l'entendre. Faible comme elle, même si elle c'était réveillée, il aurait été obligé de la porter. Il joignit d'ailleurs le geste à la pensée. Non sans difficulté à cause du poids mort qu'elle représente, il plaça son corps sur chacune de ses épaules. Passant son bras droit entre ses jambes et attrapant le bras de la demoiselle avec cette même main pour pouvoir la maintenir sur lui et lui permettre d'avoir un bras de libre malgré tout. Il récupéra l'arme et la gourde. Le linge humide et sale de sable de nouveau placé sur la nuque de l'inconnue alors qu'il rejoignait son compagnon toujours en surveillance sur la dune.

"Il n'y a pas de dromadaire de libre pour elle, tu tiendras les deux prochaines heures ?"

"Si elle ne bouge pas ça devrait aller. Tiens, garde-moi ça."

Il parlait de l'arme et de la gourde. Il était déjà assez gênant de devoir porter un poids mort, il préférait quand même garder une main de libre. Il retourna dans la file du convoi de nomades. Ce dernier ayant continué tranquillement son acheminement jusqu'au prochain point d'eau qui ne devrait plus trop tarder. Une des nomades se porter silencieusement volontaire pour humecter le linge de temps en temps et passer un peu d'eau sur le visage de l'inconnue. Pendant que Keran espérait qu'à défaut de rester inconsciente, elle se tienne sage sur ses épaules. Elle tenait chaud et cette manière de porter été inconfortable à force.

Un roulis léger me réveille.

Suis-je retournée à la mer ?

Mes yeux dorés peinent à s’ouvrir, le monde est si flou. Où suis-je ? Une étrange chaleur est appuyée contre moi, à moins que ce soit moi qui m’appuie sur elle. Je tente d’observer les alentours, le paysage bouge et moi avec.

Des souvenirs d’un autre temps m’assaillent. On m’a déjà porté ainsi auparavant, il y a longtemps. Car on me porte, je le vois maintenant, je le ressens, cette chaleur est celle d’un autre corps. Qui ou quoi que ce soit, ça ne doit pas me vouloir du mal dans l’immédiat car je ne ressens ni attache ni liens, uniquement cette fraicheur agréable sur ma nuque.

Je me laisse aller, sans bouger, trop fatigué pour tenter autre chose. Mais j’écoute, j’observe, j’essaie de comprendre qui et pourquoi.
J’attends mon heure.

Résumé:

La nomade qui s'occupait d'entretenir l'humidité du linge pour la demoiselle fini par remarquer que cette dernière été réveillée. Cependant, elle restait encore totalement amorphe sur les épaules de Keran. Il en était bien content d'ailleurs, car sinon cela n'aurait pas été pratique. Même si elle risquait de trouver le temps long. Keran resta silencieux jusqu'à ce que ce soit l'heure de s'arrêter au campement qui avait déjà commencé à se monter. Arrivant presque parmi les derniers du convoi. Le campement situé près d'un des rares puits de ravitaillement d'eau existant.

On avait déjà préparé une couche pour l'inconnue, près des affaires de Keran. Signifiant bien que c'est lui qui allait devoir la chaperonne jusqu'à ce qu'elle soit capable de se débrouiller toute seule et aider.

"Aller la petite. Fini de jouer les sacs pour aujourd'hui..."

Se faisant, il se secoua un peu pour être sûr, si jamais elle c'était endormi entre temps, de la réveiller. Avant de basculer son corps sur le côté, non sans grogner légèrement. Afin de déposer les pieds de l'inconnue sur le sol. Veillant à ne pas la lâcher si jamais elle ne tenait toujours pas debout comme précédemment dans la journée.

"Alors comment tu te sens à présent ? Et comment t'es-tu mis en tête de voyager dans le désert sans aucune préparation ?"

Le temps file et les heures se ressemblent, comment font-ils tous pour marcher ainsi ? Sans rien voir de changeant à l’horizon, sans avoir jamais l’impression d’avancer … Et pourtant tous continuent, une dune après l’autre, un pas à la fois.

Sans m’en rendre compte, je finis par somnoler. La répétition du voyage, les balancements de la personne qui me tient et au final, mon insolation, finissent par triompher de moi. Combien de temps passe alors que je suis dans cet état second ? Je ne sais pas.


Une secousse me tire de ma torpeur alors que l'on me dépose. Je hoquète puis titube, mes membres sont si engourdies, douloureux. Je peux sentir mes jambes trembler sous mon propre poids. Je tente tant bien que mal de rester debout et dirige mon regard vers mon sauveur.

C’est une grande personne, une comme je n’ai jamais vue auparavant. De longs poils bruns encadrent son visage où percent deux yeux d’un gris clair. Sa main reste sur mon flanc, son contact est chaud et ferme, gênant, je n’ai jamais touché d’autres ainsi.

Soudain, il s’adresse à moi. Sa voix grave et profonde me surprend, si différente de celle de grand-père. Pour autant, et à ma plus grande surprise, je le comprends.
Comment je me sens ?

« … »

Mes doigts parcourent mon corps, ma peau est chaude, brûlante même, bien plus qu’elle ne le devrait l’être. J’ai l’impression d’être en permanence trop proche d’un feu. De plus, de nombreuses crevasses sont visibles, laissant parfois s’échapper un fluide transparent. Je refrène une grimace de douleur, il va sans dire que j’ai connue mieux.

Quand au faite de ne pas être prête … La gêne me monte aux joues. Je pensais l’être ! Ce n’est pas ma faute si cet endroit est si haineux envers la vie ! Qui pourrait prévoir ça ?!

« !! »

Je m’arrache de son étreinte, lui jetant un regard mauvais avant de m’éloigner de quelques pas bougons. Je n’ai pas de temps à perdre ici de toute manière, je dois retrouver mon sac et mon trident et repartir. Merci pour l’aide et tout le reste, je devrais pouvoir me débrouiller maintenant.

Mais je n’arrive même pas à faire ces quelques pas avant que les vertiges ne reviennent. Ils sont si violents que ma vue se trouble un instant, me faisant trébucher sur un objet que je ne discerne même pas et m'envoyant tête la première en direction du sol ...

Résumé:

Keran attendit patiemment qu'elle lui réponde. Ne voulant pas la brusquer, puisqu'elle n'était pas encore vraiment en état. Et pire que dans un mauvais état d'ailleurs, il n'avait pas vraiment pris le temps de l'examiner de plus près. Elle avait des brûlures, ce qui était à prévoir, cependant. Bien qu'il ne perdit pas patience, il commençait à se demander ce qu'elle attendait pour lui répondre. Un regard interrogateur, il la laissa partir. Ne se souciant guère de son regard mauvais. Croisant les bras, il la regarda faire jusqu'à ce qu'elle se retrouve de nouveau par terre.

"Bah au moins y a plus de pas de fait que tout à l'heure..."

Il poussa un soupir et alla en direction de la petite. Il la retourna sur le dos pour voir si elle était consciente. Même si pour ce qu'il comptait faire, ce n'est pas essentiel. Il la prit dans ses bras, comme s'il s'agissait d'une princesse fragile afin de la déposer sur le couchage prévu pour elle. Ne se préoccupant pas vraiment de savoir si cela lui plaisait ou non. Appelant l'une des nomades par son nom pour qu'elle lui apporte de quoi traiter les brûlures. C'est vrai qu'il aurait pu y penser avant d'un côté... En attendant, assis en tailleurs, il se demanda si elle n'était pas muette la petite...

"Pour l'instant, contente toi de te reposer et de reprendre des forces. Alors en attendant que ton repas soit près... Un peu d'eau ?"

Il sortit la petite gourde attaché à sa ceinture afin de la lui tendre. Près à l'aider à boire si jamais elle se retrouvait trop faible pour faire quoi que ce soit après son effort précédent.

"On a pas de médecin dans le convoi, mais on a de quoi traiter t'es brûlure. Une femme va venir te voir pour ça. Mais en attendant, pas de balade pour toi. Tu es consigné ici."

Enfin... Il avait le sentiment qu'elle risquait de jouer les têtes de mules. Cependant, dans le pire des cas, il irait la ramasser un peu plus loin. Elle n'était pas vraiment en état de faire autres choses que de lui obéir pour le moment.

Je me laisse porter. Que puis-je faire d’autre ? Je sens honteuse d’avoir agis comme je l’ai fait, comme une gamine, encore une fois. Je devrais commencer à apprendre de mes erreurs et arrêter de surestimer si souvent ma force. Mon sauveur pourrait finir par en avoir marre et je ne tiendrais alors pas longtemps seule dans cet enfer.

Il me dépose sur une sorte de …. Couchage ? Différent de ceux que j’ai connu, mais confortable, bien plus en tout cas que ceux que j’ai pu utiliser ces derniers temps. Les nuits sont glaciales depuis que je suis entrée dans ce désert, peut-être celle-ci serait enfin capable de m’apporter un peu de repos. J’en frissonne d’anticipation.

Il me dit de me reposer, comme si rien ne c’était passé, et me propose de l’eau, que j’accepte, avalement goulument le contenue de la gourde. Je me sens de toute manière trop épuisée pour être honteuse de mon comportement et j’ai l’impression de n’avoir rien bue depuis des jours. Pendant ce temps, il m’explique qu’une femme, qu’est-ce que c’est ? Va venir soigner mes blessures.

Je hoche la tête, un peu perdue. C’est peut-être là le nom de leurs médecines. Ou de la personne en charge de cela. Grand-père s’occupait de ce genre de chose alors je dois bien avouer mon ignorance.

Le temps passe, un silence gênant s’installe tandis que je le regarde en coin, n’osant pas croiser son regard ou l’observer trop directement. Il est si différent de moi … Je ne sais pas vraiment comment réagir.

Soudain une autre personne tout aussi étrange que lui, mais différente,  s’approche, m’observe rapidement et finalement s’assoit derrière moi pour commencer à m’enduire le dos avec une substance que je n’arrive pas à voir. Je jette un coup d’œil éperdu à mon sauveur qui se contente de me le rendre, confiant.

Je n’ose pas bouger et rapidement une sensation de bien-être commence à parcourir mon corps. On est en train de me soigner ! Ma tension redescend rapidement mais je reste embarrassée.  

Je dois cependant les remercier pour ce qu’ils font pour moi. Je pointe un doigt vers mon visage et forme les signes que grand-père m’a appris, ceux pour mon nom, Lahna, puis ceux pour remercier, avant de pointer mon doigts vers lui.

Résumé:

Finalement, la petite s'est révélée plus conciliante qu'il ne l'avait cru. Se laissant faire et prenant de bon cœur l'eau qu'il lui proposait. Elle allait devoir en boire encore pour réussir à se réhydrater totalement, mais elle allait aussi avoir besoin de repos. Keran surveillait les alentours, le couchage de la petite étant mis légèrement à part, sûrement pour qu'il continue de surveiller un peu tout en s'occupant d'elle.
Il remarqua quand même la curiosité qu'elle avait envers lui. Sans avoir dit quoi que ce soit, elle continuait à l'observer à la dérobait comme une timide. Ce qui le faisait sourire, jusqu'à ce que la nomade vienne voir l'état de son corps. Laissant la demoiselle gérer la choses en toute confiance. Ce qui ne semblait pas être le cas de la petite égarée qui ne semblait pas comprendre ce qu'elle faisait. Keran se contenta de lui montrer qu'il n'y avait rien à craindre.

Pour la suite, Keran eu la confirmation qu'elle devait être muette. Car elle se mit à parler dans le langage des signes. Enfin, il suppose que c'est le langage des signes, car Keran n'y connaît strictement rien. Autant dire que son visage montrait clairement son incompréhension. Avant qu'il ne se mette à rire et ne lui parle.

"Je suppose que tu as signé ton prénom, mais je ne comprends pas grands choses aux langages des signes. Alors désolé, mais je n'ai rien compris... À part ça..." En parlant, il pointa son propre doigt vers lui. "Je m'appelle Keran. Est-ce que tu sais écrire ? Tu pourrais écrire les lettres dans ma main ?"

Tout en parlant, il tendit sa main justement. Si elle en était capable cela aiderait à la communication. Cependant, la nomade repartit en le prévenant qu'elle allait voir si dans le groupe l'un d'entre eux s'y connaissaient un peu aux langages des signes.

"Attends, avant de partir. Préviens l'autre boulet de ramener les affaires de la petite."

L'autre boulet, étant le mercenaire avec qui il était en binôme une grande partie de la journée. Bien que le couchage avait été préparé, il n'y avait pas le reste. Et il valait mieux demander maintenant qu'oublier plus tard, puisque les vols étaient parfaitement possibles. Cependant, il ne dit rien à ce sujet devant la petite. La nomade se contentant de partir d'un signe de tête.

Je louche un peu sur la main que Keran me tend, tentant de déchiffrer ce qu’il entend par « lettre ». S’il ne comprend pas les signes cela va être plus difficile que prévue … Au final, plus par dépit qu’autre chose, je commence à lui faire répéter les signes avec sa main quand la personne derrière moi se lève brusquement.

Un rapide échange de conversation s’ensuit entre elle et Keran, durant laquelle ils parlent d’un dénommé « Boullé » mais surtout d’affaire. Attendez, mes affaires ?

Oui ! J’en bondirais de joie si je pouvais ! Moi qui croyais les avoir perdu pour toujours dans le sable ! Alors comme ça ils les avaient prises aussi ?!

Je remarque alors le regard de Keran sur moi. Oups. Je tente de reprendre contenance rapidement en buvant encore un peu d’eau et m’incline poliment pour remercier son geste.

L’autre personne en a profité pour disparaitre. Recentrant mon attention sur Keran je lui reprends la main. Puisqu’il va falloir communiquer, autant s’y mettre maintenant.

Je ne sais pas combien de temps exactement je passe à lui enseigner les signes. Je commence par mon nom, puis improvise un geste pour le sien à partir de « sable » et « marcher ». Le mien est fait de « rouge » et « pluie » mais cela je doute qu’il le comprenne de suite. J’enseigne ensuite les signes de base comme « ici », « là-bas », « moi », « danger » etc … Certes pas de quoi avoir une vrai conversation mais suffisante pour qu’il comprenne mes avertissements en cas de besoin et pour pouvoir lui indiquer des choses.

Je dois avouer que je suis impressionnée par la vitesse à laquelle il progresse. Il ne lui faut qu’une ou deux répétition avant qu’il ne retienne et, lorsque mes affaires arrivent enfin, la nuit est tombée et ce qui a suffit à lui enseigner autant que j’en ai appris en au moins six mois avec Grand-père. Je ressens une pointe de jalousie tout de même, surtout qu’il a l’air de beaucoup s’amuser.

Enfin bon, j’inspecte rapidement mes affaires, tout est là aussi misérable et crasseux que de mes souvenirs, exception faites de mon trident poli et lustré. Quelqu’un l’a nettoyé mais dans quel but ? Je verrais ça plus tard, nous avons mangé durant le cours improvisé et je sens la fatigue me gagner, je baille bruyamment et m’étire pour signifier mon envie de dormir et m’étends sur ma couche. Quelle drôle de journée. Un dernier coup d’œil en direction de Keran et je ferme les yeux, m’apprêtant à dormir d’un demi-sommeil, juste au cas où …

Pour Keran: