[ Event #1 ] Affronter la Peur

Lorsque Nevaeh avait reçue cette missive de la part de son frère l'invitant à se rendre à Suryana afin d'assister à de barbares combats entre hommes et femmes pour divertir le peuple alors la déesse avait longuement fixé le parchemin entre ses doigts, le visage impavide. Puis, lentement, elle avait quitté son bureau dans l'une des tours du palais de la Citadelle et s'était rendue dans la volière où, soigneusement, elle avait voulu répondre dans une écriture penchée qu'elle ne viendrait pas. Toutefois, l'un de ses proches lui avait fortement déconseillé de refuser d'assister à un tel événement sous peine de décevoir son peuple. À contre-cœur, la déesse avait alors fais le choix d'y aller. Le jour venu, elle s'était vêtue d'un ensemble tout à fait magnifique : une robe formant un X dans le dos faite de soie rose et légère et de magnifiques bijoux ornant ses bras, son cou et ses cheveux.

Bien que nombre de ses gardes aient souhaité faire partie de sa procession la femme mythique s'était tournée vers son plus fidèle serviteur, son ami et son confident Artemis. Le garde royal, doté d'un sérieux et d'une rigueur sans pareil, serait la personne idéale pour protéger la déesse si cela était encore nécessaire. La déesse de la sagesse avait parcouru le désert à dos de chameau jusqu'à se retrouver dans le Colisée, près d'Emyr, à l'écouter discourir sur la façon dont cette journée allait marquer l'histoire.

Son visage délicat exprimant une certaine réserve, Nevaeh s'installa au côté de ses frères et de sa soeur, le regard fixé sur l'arène en contrebas. Les noms et les visages des combattants s'affichèrent bien vite sur un écran géant et le capharnaüm de la foule s'amplifia encore davantage. Les personnalités diverses, provenant d'horizons différents, se comptaient sur le bout des doigts. Nevaeh reconnu certains visages : des hommes et des femmes appartenant à sa garde royale. Elle eut un fin sourire et ses yeux brillèrent : malgré la crainte, l'inquiétude et une dose de désapprobation, la déesse était tout de même contente de pouvoir enfin prendre le temps de regarder ses protégés à l'oeuvre.

Nevaeh trouvait très difficile de regarder ces gens souffrir et se blesser pour une cause qui n'avait rien de particulièrement noble. Elle était perchée au bout de sa chaise, incapable de quitter du regard une seule seconde ses petits protégés, ceux qui devaient affronter cette situation sans aide extérieure. Ryan, Cassidy, Esteban, Hina et Jamshid se débrouillaient tous à merveille à leur façon, mais certains lui firent ressentir de l'inquiétude bien plus que d'autres. Elle songea, notamment, à la façon dont le combat se termina pour le jeune novice aux cheveux blonds. Hina avait l'air meurtrit et elle s'était levée d'un bond en ayant les mains sur le visage, visiblement très inquiète pour lui. Heureusement qu'on vint la voir pour obtenir l'un de ses flacons d'élixir guérisseur ; elle se sentit tout de suite plus utile à chacun d'entre-eux.

Mis à part l'affrontement entre Hina et Cassidy, celui qui avait naturellement attiré son attention était celui opposant Jamshid à son meilleur ami Esteban. Ces deux jeunes garçons, lumières étincelantes de la capitale, avaient marqués la déesse d'une certaine manière. Elle les aimait et les considérait toujours comme de jeunes enfants innocents et d'une pureté sans comparaison. Le petit garçon aux cheveux dorés qui était né des parents les plus braves qu'elle n'avait jamais rencontré se tenait désormais au beau milieu de l'arène. Il était prêt à montrer au monde qu'en dépit de ce monstre en lui, il n'était pas quelqu'un duquel l'on pouvait impunément se moquer. Elle devait admettre qu'elle avait un petit parti prix pour le jeune homme et cela se remarquait à quiconque la regardait se mordre la lèvre inférieure et lâcher des petits soupirs exaspérés dès que les choses n'allaient pas en sa faveur. Emyr, à ses côtés, semblait s'amuser avec indécence, applaudissant dès que quelqu'un se prenait un coup.

Nevaeh en avait le souffle coupé chaque fois que l'une de ces femmes ou que l'un de ces hommes était projeté en arrière, soufflé par une explosion, frappé par un poing vengeur. Elle posait ses mains contre sa bouche, lâchait des cris d'étonnement, se levait à peine de sa chaise pour se pencher en avant, vite ramenée vers l'arrière par la main attentionnée de son garde sur elle. Puis, les yeux écarquillés de stupeur, elle finissait par applaudir à tout rompre, fascinée par le courage de ces gens et toujours très soulagée de voir qu'ils en sortaient vivants.

Certains affrontement lui serrèrent le coeur, l'inquiétant au plus haut point, et malgré qu'elle admire la bravoure des uns et des autres, elle continuait de désapprouver de façon très sincère le principe de cette arène. Elle eut envie d'en glisser un mot à Emyr, mais Diana était placée juste entre-eux et semblait ennivrée par les moindres gestes de sa fille qui se battait avec ferveur. Nevaeh se surprit à observer sa soeur plus que les affrontements qui se déroulaient devant eux.

Diana n'avait jamais semblé plus heureuse.
Un fin sourire se traça sur les lèvres de Nevaeh alors qu'elle imaginait quelle joie ce devait être d'avoir un enfant, une part de soi qui vit et qui continue de vivre malgré la distance. Malgré les années et le temps qui passe. Comme c'était étrange qu'elle se fasse cette réflexion aujourd'hui, elle qui avait toujours choisit de considérer son peuple comme sa famille, et jamais regretter son choix d'avoir fait une croix sur l'amour.

Son sourire s'effaça d'un revers comme lorsque l'on souffle sur un grimoire poussiéreux. Diana s'effondra, une lame lui transperçant la poitrine, le sang tâchant à une vitesse folle le tissu déjà écarlate qu'elle portait. Nevaeh su, à cet instant précis, que jamais rien ne l'avait aussi mise en colère en ce monde, que jamais personne n'avait provoqué chez elle une telle fureur. Frappée d'horreur, elle se leva et recula de quelques pas, passant du cadavre de Diana au visage désinvolte d'Hadès qui, presque mélancolique, venait d'assurer que ce n'était rien de personnel. « Sombre traître ... TU N'ES QU'UN TRAÎTRE HADÈS !!! » hurla-t-elle, se débattant pour échapper aux mains de ses protecteurs, brillant d'une lumière aveuglante, ses cheveux virevoltant autour d'elle comme des serpents à la recherche d'une nouvelle proie. Nevaeh constata à peine qu'Emyr avait été emmené ailleurs ou que la foule hurlait d'incompréhension et de stupéfaction. C'est peut-être seulement lorsqu'elle vit l'écran géant qui renvoyait une image d'eux, encerclant la déesse de la nature, que Nevaeh se calma.
Elle eut un haut-le-coeur et s'effondra sur le sol, les sanglots ne pouvant plus rester à l'intérieur, et son corps entier traversé d'énormes tremblements. Elle était en état de choc, incapable de parler, de bouger. C'était comme si la terre était un peu plus meurtrie sous leurs pieds, le vent ne soufflait plus sur leur visage et même le soleil dans le ciel paraissait moins chaleureux.

Un pillier de ce monde venait de s'éteindre.
Plus jamais le monde ne serait le même ...

La tape dans le dos que lui offrit Erwan, poussa Artemis à faire trois pas vers l'avant, grognant un moment sous le coup de surprise. L'homme avait une force s'approchant de Ryan et c'était difficile à combattre par moment. Cependant, Artemis avait assez de patience pour ne pas en vouloir au dieu ou encore être de mauvaise humeur pour cette raison.

Et de toute façon, ce qui intéressait réellement Artemis en ce moment précis, c'était les combats de ses amis, le reste n'avait pas de réel importance. Ryan combattait Keran avec une force imprévisible. Esteban s'en donnait avec plaisir face à Jamshid qui lui-même, donnait tout ce qu'il avait - voir un peu trop-. Artemis se doutait bien que son ami renard finirait par se déclarer vaincue simplement par manque de chakra, mais le spectacle n'en était pas moins intéressant.

La deuxième ronde par contre, c'était une surprise total. Ryan face à Cassidy, c'était d'une ironie. Le chevalier en chef fronça les sourcils en observant la scène avec une curiosité intrigante. Est-ce que Ryan serait en mesure de tenir tête à son ex-petite amie, surtout après ce qu'elle avait fait subir à Hina? D'ailleurs, il fut soulagé de savoir que le jeune blond n'avait rien de grave, mais tout de même. Il croisa les bras en observant toujours l'arène, son regard allant de son meilleur ami à Esteban.
Il y a quelques jours, Esteban était revenu à la citadelle en parlant d'une jeune fille qu'il avait rencontré, l'ironie de la vie avait voulu que lui aussi se retrouve face à face avec celle-ci. Drôle de hasard, mais si les circonstances était similaire, les combats eut furent totalement différent.

Ryan et Cassidy se livrait un combat sans merci et Esteban combattait Athena avec un certain respect, assez du moins pour lui offrir un baiser, ce qui poussa Artemis à rester perplexe. C'était un combat pour le moins ... Différent. Même s'il jugeait le combat d'étrange, Artemis se permit un fin sourire. Tant mieux si Esteban avait trouvé chaussure à son pieds et tant mieux si Ryan et Cassidy pouvait finalement passer à autre chose, même s'il avait l'impression que ce ne serait pas aussi simple pour les deux autres.
Il y avait dans l'air un mélange d'euphorie de la part des partisans et de colère, ce qui poussa Artemis à soupirer un moment.

« Voilà une demi-final plutôt mal accueillit. » Dit-il d'une voix base, mais assez haute pour être entendu par Nevaeh et Erwan.

Ce serait bientôt la finale et Artemis s'approchait de sa Déesse afin de lui proposer de se dégourdir les jambes, lorsqu'une présence se fit pesante autour de lui. Une pression au niveau des épaules et dans l'estomac. Là dernière fois que cette pression s'était fait sentir au fond de son être, fut lorsqu'il s'était retrouvé nez à nez avec son père ...
Cette pression fut assez dérangeante pour qu'il cesse tout mouvement, tournant la tête lentement vers sa droite, là ou Diana était assise et c'est uniquement à ce moment, qu'il comprit.

Il comprit.
Il sut à ce moment précis qu'il venait d'échouer dans le domaine de la protection et qu'il n'avait pas été aussi alerte qu'il le prétendait. Artemis, le chef de la garde royale venait de réaliser à quel point sa concentration n'était pas assez réveillé et s'était encore une fois à cause de son père. La lance de la mort. Il l'avait reconnu dès que celle-ci scintilla sous les rayons de lumière. L'unique et seul lance capable de mettre un terme à la vie d'un dieu. L'arme ultime qu'Hadès gardait jalousement dans son antre ....
Qu'il la fasse apparaître maintenant et à une fin mortelle poussa Artemis dans un gouffre sans nom.
Le silence bourdonnait dans ses oreilles et même la colère de Nevaeh ne lui vint pas aux oreilles. Il regardait son père avec stupeur et surprise. C'était comme s'il vivait un cauchemar éveillé et que la paralysie venait de lui saisir tout le corps.

Il détestait cet homme. Il le haïssait depuis qu'il avait fait souffrir Helena, sa douce mère. Artemis méprisait son père pour lui avoir offert une enfance remplit de mort et de meurtre.

Son corps tremblait. Ses mains, recouverte de sang jadis, redevenait aussi rouge carmin qu'à l'époque. Elles tremblèrent alors qu'il était dans l'incapacité de dire ou de faire quoi que ce soit.
Et lorsque son père s'adressa finalement à lui afin de dire une connerie aussi grosse que sa tête. Le jeune garde royale ne répondit rien, observant son père en étant maintenant aussi livide qu'un fantôme. Était-ce un rêve? Un mauvais rêve qui lui semblait si réel?

Hadès disparut finalement dans un claquement de fouet, laissant des hurlements maintenant audible pour Artemis. Si bien, qu'il sursauta en levant les mains vers ses oreilles, mais s'arrêta dans son geste en observant la déesse de la nature maintenant inerte, Nevaeh à genoux contre le sol, Erwan près de la rembarre observant cette jeune fille...
Ce n'est qu'à ce moment qu'il réalisa l'importance de ce fille. Athena. C'était la fille de Diana, sa cousine. Un haut le coeur lui saisit le corps et Artemis eut tout juste le temps de se retourner vers un coin calme pour vomir ce qu'il avait dans l'estomac.

Comment était-il en mesure de vivre, sachant ce que son père venait de faire, encore une fois? Le jeune homme trembla encore et s'appuya contre le mur en face de lui. Le regard vide et cette expression de stupeur toujours présente. Il n'arrivait pas à croire que cet homme était toujours vivant, quelque part dans le monde des morts. Longtemps, oui, longtemps Artemis avait cru que son père n'était plus, mais ce n'était qu'une chimère. Il était bel et bien vivant et toujours aussi puissant.
Le jeune homme serra les poings et frappa le mur violemment en quittant la loge, sachant que Nevaeh ne risquait rien tant qu'elle serait avec Erwan.

L'heure était venu.
C'était à lui de mettre un terme à la vie de son père.